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13 November 2020

Esperanzah! La créativité nourrit l’espoir

L’économie sociale rassemble des acteurs divers qui travaillent dans des secteurs très variés. La crise actuelle n’épargne pas grand monde, mais certains domaines d’activités sont touchés de plein fouet. Le monde du spectacle, après avoir mis en place une série d’adaptations pour continuer à proposer des événements tout en respectant les mesures de sécurité, est aujourd’hui complètement à l’arrêt, sans aucune certitude concernant les possibilités de reprise.

C’est dans ce contexte très particulier que nous vous présentons l’ASBL Z !, l’organisatrice du festival Esperanzah!. Une association qui marie culture et engagement, musique et éducation permanente, festival et économie sociale. Ses valeurs résonnent avec celles du groupe Terre. Jean-Yves Laffineur, son directeur, répond à nos questions.

Que diriez-vous pour vous présenter ?

Jean-Yves Laffineur – J’ai fondé le festival Esperanzah! en 2002 – ce sera donc sa vingtième édition en 2021. Je suis le directeur de l’asbl Z! qui mène maintenant d’autres projets, parallèlement au Festival Esperanzah! : le Festival Jyva'Zik (qui devait avoir lieu en novembre à Louvain-La-Neuve) et le plan Sacha qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif. Nous sommes également reconnus en éducation permanente pour toutes nos campagnes d’action. Et notre dernier projet en date, c’est le web média Tout va bien.

Quel est votre lien avec l’économie sociale ? Vous en faites partie ou vous vous en inspirez ?

On fait partie de l’économie sociale, on s’inscrit tout à fait dans ses principes de base. Nous sommes une association et notre fonctionnement est carrément horizontal. L’organisation de nos projets est basée sur une horizontalité totale : chaque projet a son comité organisateur qui regroupe des personnes différentes, avec au minimum un permanent de l’équipe. Notre fonctionnement est tout à fait participatif et démocratique.

Qu’est-ce qui vous séduit dans l’économie sociale ?

Honnêtement, ce n’est pas que ça me séduit ou pas… c’est le mode sur lequel j’ai toujours fonctionné dans les différents projets que j’ai développés au cours de ma vie professionnelle. C’est essentiellement le principe de gouvernance positive et participative qui m’intéresse.

Ce qui rassemble les travailleurs, les volontaires et les gens autour de nous, c’est un engagement très fort pour des causes sociétales. Cet engagement s’inscrit pleinement dans notre manière d’organiser le travail et nos événements. Nous sommes complètement indépendants. On refuse par exemple de travailler avec des multinationales comme partenaires, même si elles nous sollicitent. On privilégie l’économie de proximité, la consommation responsable. Nous sommes vraiment à la pointe en matière de développement durable sur les événements (notre tri des déchets par exemple est maximal). Notre démarche de développement durable va très loin, et pas uniquement sur le plan environnemental. Sur le plan économique, cela se marque dans le choix de nos partenaires et dans la volonté de privilégier l’économie circulaire… Sur le plan social, nos prix restent très bas comparativement à tous les autres événements, parce qu’on veut que nos festivals restent accessibles ; on travaille notamment avec les Articles 27. Sur le plan culturel aussi – c’est mon dada – on privilégie essentiellement la découverte artistique et l’aspect multi-artistique, multiculturel…

Enfin, sur le plan des combats, nous mettons en avant les problématiques qui nous tiennent à cœur : elles sont liées à l’environnement, au racisme, à la parité, au genre… Tous ces combats, on les mène avec notre web média Tout va bien, mais aussi par nos campagnes d’éducation permanente. Tout ça fait qu’on s’inscrit pleinement dans ce qu’on appelle l’économie sociale.

À votre avis, les jeunes entendent-ils suffisamment parler d’économie sociale ? Est-ce un modèle qui leur parle, qui leur semble adapté aux défis de l’époque actuelle ?

J’ai l’impression que c’est un terme qui a un peu perdu de sa pertinence à notre époque, qu’il est moins prégnant qu’il y a quelques années. Aujourd’hui, on parle beaucoup de nouvelles formes de management, d’intelligence collective et de l’aspect dynamique plutôt que d’une reconnaissance d’un système économique. Je serais curieux d’interroger les jeunes qui travaillent avec moi sur la manière dont ils perçoivent cette question de l’économie sociale, mais elle n’est plus à l’avant de la scène comme elle a pu l’être dans les années 90 et début 2000…

Comment vivez-vous la situation actuelle ?

C’est très difficile à deux points de vue. Économiquement d’abord, pour le moment nous sommes sous perfusion : sans aide de l’état ou des communautés, on serait mort. Ensuite sur le plan social et psychologique, c’est très dur aussi. On a d’abord dû faire face à la vague des annulations de l’été ; il y a eu une réflexion sur le développement culturel, sur l’avenir de la culture… On s’est adapté, pas mal de petites initiatives assez sécurisées ont vu le jour. Ça a été difficile, mais on a senti une volonté de soutenir le développement et la création artistique. Je pense que la culture a traversé assez positivement cet été. Cette deuxième vague par contre est vraiment très dure. On pensait pouvoir redémarrer pour 2021, mais là, la deuxième vague vient faucher tout le monde, tous les métiers de la culture. C’est catastrophique.

Dans le cas de mon équipe, à part Tout va bien, on a travaillé un an pour rien. Psychologiquement, c’est très difficile. On organisait une campagne et deux événements ; tout a dû être abandonné alors qu’on avait essayé de s’adapter. Dans le cas du Jyva’Zik, on organisait un cabaret, on avait vendu 600 places en 30 secondes… À quinze jours près, on a dû tout annuler.

C’est difficile pour les travailleurs, mais ça l’est surtout pour tous les métiers qui dépendent de ce secteur d’activité : les techniciens, les loueurs de chapiteaux, de scènes, les food-trucks, les ingés son et lumières, les artistes… tous ces gens sont à l’arrêt. Le risque à terme, c’est qu’il y ait une perte des compétences parce que ces gens doivent vivre et qu’ils vont chercher de l’emploi ailleurs. Il va y avoir des faillites. Il y a des carrières qui n’émergent pas. On ne sait pas du tout à quoi ressemblera le secteur l’année prochaine. C’est très sensible pour le moment. On a beaucoup parlé de la culture cet été, mais, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, on n’en parle plus du tout en ce moment.

Néanmoins, on garde espoir et on fait tout pour qu’il se passe des choses en 2021. On reste positif, on discute avec les autorités, on s’est constitué en fédération… On pousse pour que des tests rapides se fassent à grande échelle, y compris, pourquoi pas, dans nos événements ; on travaille à trouver des solutions et on est plein d’espoir. En réalité, je suis sans cesse entre-deux : parfois très optimiste, parfois moins parce que pour le moment, clairement, il n’y a pas de perspective.

Qu’est-ce qui continue à vous rendre optimiste ?

L’espoir, parce qu’on travaille en équipe. On pense à l’avenir, on construit, on s’adapte, on pense à des plans B, des plans C… Le milieu culturel est très créatif, donc les gens malgré tout restent créatifs. C’est ça qui nourrit mon espoir.

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